Reconstitution d’un village gaulois – sud de la France

Fabien s’assit sur une pierre près de la palissade en bois rond. Il était en sueur et au dessus de lui le soleil avait atteint son zénith. Voilà maintenant trois heures qu’il était ici. Trois heures à entendre crier la guide qui tentait vainement de modérer l’ardeur des touristes. Il avait finit par s’éclipser en prétextant un besoin urgent. Il baissa les yeux sur son calepin de notes griffonné et raturé. Tout serait à recommencer à son retour à Marseille. Oh, ce n’était pas que l’histoire l’ennuyait, non, seulement qu’il finissait par se demander à quoi cela le mènerait. En fait, on l’avait envoyé ici pour qu’il se « familiarise » avec le profil du gaulois de l’époque. Mais tout compte fait, il n’avait plus aucune envie d’en rencontrer.
Encore cette fameuse lune bleue, celle là même que Siméas ne cessait de lui rabattre les oreilles. Depuis son arrivée en France, les autres alchimistes de la communauté l’avait initié aux secrets du phénomène. Comme il était historien, on l’avait chargé de repérer les voyageurs temporels dans le but de les exterminés. Plus tard dans la soirée, son avion décollerait pour l’Italie. Des rumeurs couraient là-bas quant à l’arrivée de légionnaires romains dans le centre-ville de Rome.

Il revint au présent en voyant une jeune femme approcher. Elle ne devait pas avoir plus de 20 ans. À ses habits, il l’identifia rapidement comme ménestrel. Était-ce l’une de ces fameuses apparitions du passé? Il mit quelques secondes à se rappeler que plusieurs acteurs avaient été engagés sur le site afin de reproduire l’ambiance d’un village d’époque. Il soupira et se détendit quelque peu. Néanmoins, l’inconnue avait l’air plutôt perdue.

*Sans doute une nouvelle.*

Il se leva et fit quelques pas en sa direction.

« Tout va bien mademoiselle? »

Il faisait plein jour, le soleil dardait ses durs rayons sur les épaules dénudées d'Ilayra. Étrange fait, puisqu'une des dernières choses dont elle se souvenait était d'avoir clairement vue la pleine lune, éclairant le ciel dépourvu d'étoiles...
Ilayra observait la construction des maisons et elle aperçut au pied d'un des murs, une sorte de boule de laquelle émanait une lumière. Près de la porte était installé une petite plaquette où y était inscrit un texte dans une langue qu'elle ne connaissait pas, mais où certains mots lui était quelque peu familiers. Un air intrigué peignait son visage alors qu'elle s'approchait d'un objet, sûrement oublié sur le côté de la route de sable. Noir, fait d'un matériel non-identifié et il attirait sa curiosité, capturait son attention. Elle se tourna calmement quand elle entendit qu'on lui parlait. Elle observa l'inconnu des pieds à la tête, une expression sceptique la prennant. On le jugerait comme un érudit avec toutes ses paperasses si ce n'était que de son accoutrement pour le moindre, curieux.

-Oui. Un silence s'ensuivit avant qu'elle ne reprenne avec douceur, je suis Ilayra Vindilis de Gaule, et vous venez de ...?

Croyant que cet homme vennait sûrement d'ailleur dans le monde, à regarder ses habits.

Il fronça les sourcils puis sourit. Ilayra avait décidément un fort accent, qui s’harmonisait par contre à merveille avec son rôle de ménestrel gaulois. Il admira également le sérieux avec lequel elle avait prononcé ces paroles. Probablement une jeune comédienne, ayant vu ses rêves de grandeur s’effondrer et s’était recyclée en dame de l’ancien temps. Amusant. Ce fut donc d’un ton mi-sérieux mi-rieur qu’il lui répondit;

- Du Québec, Fabien Brisebois pour vous servir! Ajouta-t-il avec une petite révérence.

Elle avait probablement remarqué son parlé québécois. Malgré ces quelques années passées en France, il n’avait réussit à aprendre parfaitement l’accent. Un sourire moqueur se peignit sur ses lèvres. L’expression de la jeune femme, quant à elle, était plus que cocasse. Elle semblait si désorientée…

*Quoi que je le serais probablement également en arrivant en pareil lieu. L’administration du site doit réellement être incompétente.*

Il lui adressa un regard désolé et se radoucit. Après tout, l’autre ne faisait que son métier.

- Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous?

Cet air, disons amusé. Il riait d'elle ou quoi? Cette révérence, c'était pour rire?

-J'essaye seulement de retrouver mon chemin dans ce vaste endroit, vous voyez.

Elle se rappela soudainement sa situation lorsqu'elle était chez elle. Son père retrouvé il y a à peine et elle le quittait. Lui et sa mère. D'ailleur, comment était-elle arrivée dans ce village? Et Fabien, lui, que venais-t-il faire ici? Et tous ces trucs étranges, comme la sphère d'où émanait de la lumière...

-Je crains de devoir vous quitter pour continuer mon allée, messire.

Ilayra ne lui dit pas qu'elle n'avait absolument aucune idée où elle se trouvait et se contenta de le saluer de la tête et continua sa route, sans remarquer qu'elle continuait sa destination du début : l'objet noir oublié sur le chemin.

- Au revoir.

Fabien la regarda s’éloigner. Drôle de personnage, il ne l’oublierait pas de si tôt. Il retourna donc près de la roche et ramassa ses affaires – un sac à dos noir, un étui à crayon ainsi que son précieux calepin de notes – et se mit en route. La visite guidée devait depuis longtemps être terminée et le site historique ne tarderait pas de fermer pour la pause du midi. Il s’engagea donc sur le chemin opposé à celui qu’avait pris Ilayra, direction la sortie.
Bien vite, cependant, il fut arrêté par un garde de sécurité. Il était effectivement passé douze heures et l’armoire à glace lui suggéra de sortir du parc au plus vite.

Elle ne se rappelait pas savoir que la technologie était aussi avancé, mais ellr décida ne pas s'en opportuner d'avantage. Elle refusa l'objet avec un air relâché tout en disant :

- Non, ce n'est pas à moi.

Elle se dirigea d'un pas tranquille vers la porte de sortie et se retourna pour ajouter à l'intention de Fabien :

- Vous venez? Et elle ajouta avec un petit sourire, je ne crois pas qu'on veut de nous dans ce village.

« Alors un touriste l’a probablement égaré. »

Il déposa l’appareil sur un banc et releva la tête. Lui rendant son sourire, il prit le temps de l’observer attentivement. Une jeune comédienne, assez douée, très jolie, mais plutôt perdue. Une idée folle lui vint à l’esprit mais il la rejeta aussi tôt. Elle ne voudrait pas, ils ne se connaissaient qu’à peine. Pourtant, Fabien ne pouvait s’empêcher d’y songer.

*Et puis, qu’ai-je à perdre!*

« En effet. Voudriez-vous que je vous raccompagne? Ou si vous le désirez, j’ai un petit appartement à Marseille, on pourrait y prendre un verre? »

Et il ajouta avec un clin d’œil complice;

« Massilia, je veux dire »

Massilia; Ilayra avait déjà entendu les gens de son village en parler un peu. Elle en savait très peu sur cet endroit, mais qui sait, une chanson pourrait s'écrire en chemin et découvrir du pays, sa mère lui avait toujours dit que c'était ce qui fallait à une ménestrelle comme elle.

*Et puis, qu’ai-je à perdre!*

- Et oui, pourquoi pas!

Elle oublia un instant son chez-soi, sa famille. Mais elle se figea et elle se demanda se qu'il en adviendrait. Elle partirait ... Mais elle ne savait même pas où elle se trouvait actuellement, à quoi bon? Les paroles de sa mère revinrent.

*Je suis assez vieille, il est temps que je parte découvrir le monde et m'enrichir en tant que ménestrelle. On fonce.*

Je me sentis rougir quand il me prit la main, mais n'eut pas le temps de trop y penser car j'apperçus un gros véhicule qui déambulait sur des roues. Il semblait presque vide et quand il s'arrêta devant nous, une porte s'ouvrit avec un bruit étrange et un vieux monsieur moustachu nous donna un air incrédule et un tantinet impatient. Je jetai un coup d'oeil à Fabien et décidai de monter dans ce ''transport commun''. Je me dirigais vers un banc mais le vieux me prit le bras durement en demandant un paiement. Je sortis de ma poche la seule pièce que j'avais, un pièce d'argent.

- Ça va suffire à votre avis Fabien?

Cette fois, il ne pu s’empêcher de jeter un regard ahuri à la jeune dame. Reprenant contenance, il s’adressa au chauffeur.

« Laissez, je vais payer pour elle » Et il extirpa deux billets de sa poche avant d’entrainer son étrange compagne à l’arrière du bus.

« Si je ne savais avoir affaire à une excellente comédienne, je vous demanderais de quelle planète vous venez. »

Il la dévisagea quelques instants. Non, pas elle. Elle ne pouvait venir d’un autre temps, il l’aurait vu…Et puis tout cela était trop flagrant pour être autre chose qu’une pièce théâtrale.

(suite à l’appartement, Marseille)